Droits de douane internationaux : Dossier juridique et stratégique (focus États-Unis)

Les États-Unis ont récemment durci leur politique tarifaire, en particulier avec le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche en 2025. Début avril 2025, l’administration Trump a déclaré une « urgence nationale » commerciale afin d’imposer des droits de douane généralisés sur les importations.

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Contexte actuel des droits de douane aux États-Unis (2025)

Les États-Unis ont récemment durci leur politique tarifaire, en particulier avec le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche en 2025. Début avril 2025, l’administration Trump a déclaré une « urgence nationale » commerciale afin d’imposer des droits de douane généralisés sur les importations. Voici un bref résumé des mesures clés adoptées jusqu'à présent :

  • Droit de douane universel de 10 % : à compter du 5 avril 2025, toutes les marchandises importées aux États-Unis sont soumises à un droit supplémentaire de 10 %, sur la base de l’International Emergency Economic Powers Act (IEEPA). C’est un tournant protectionniste majeur : il s’agit de la mesure tarifaire américaine la plus significative depuis les années 1930.

  • Droits de douane « réciproques » plus élevés : à partir du 9 avril 2025, des droits de douane individualisés, au-delà du taux de base de 10 %, frappent 83 pays accusés de pratiques commerciales « inéquitables ». Par exemple, les importations de Chine sont désormais taxées à 34 %, celles d’Inde à 26 %, de la Corée du Sud à 25 %, du Japon à 24 %, et de l’Union européenne à 20 %. Des pays d’Asie du Sud-Est comme le Vietnam et le Cambodge sont même visés par des droits de 46 % et 49 % respectivement. Ces taux s’ajoutent aux droits déjà en place (droits de la nation la plus favorisée ou mesures antidumping), sauf exceptions prévues.

    Motivations : L’administration justifie ces hausses par le déficit commercial record des États-Unis (1 200 milliards $ en 2024) et par l’absence de réciprocité tarifaire de la part de nombreux partenaires. Par exemple, elle souligne que les États-Unis appliquaient historiquement un droit de douane moyen très bas (~3,3 % NPF) contre 5 % en UE, 7,5 % en Chine ou 17 % en Inde​. Selon Washington, ces barrières étrangères ont « spolié » l’économie américaine et désindustrialisé le pays, d’où la nécessité d’une réponse musclée.

    Mesures ciblées antérieures : Avant même cette taxe universelle, Trump avait déjà employé des droits de douane ponctuels à des fins politiques. Le 1er février 2025, il a invoqué l’IEEPA pour taxer de 25 % supplémentaires la plupart des importations en provenance du Canada et du Mexique (10 % pour leurs produits énergétiques) afin de faire pression sur ces pays en matière d’immigration et de lutte antidrogue. La Chine était frappée d’un surtarif distinct de 10 % dans ce cadre. De plus, dès son premier mandat, Trump avait imposé des droits de 25 % sur l’acier et 10 % sur l’aluminium (mesures Section 232) qui restent en vigueur. Ces antécédents montrent que les secteurs métallurgiques et automobiles avaient déjà été pris pour cibles.

    Champ d’application et exemptions : Certains produits ne sont pas visés par les nouveaux droits de douane réciproques : par exemple les produits stratégiques déjà couverts par des sanctions ou quotas (acier, aluminium, semi-conducteurs, etc.), l’énergie non produite aux USA, les métaux précieux, ainsi que les biens en franchise dans le cadre d’accords de défense. Le Canada et le Mexique bénéficient d’un traitement particulier : tant que l’Accord USMCA (AEUMC) est respecté, leurs exportations restent à 0 % (sinon 25 %). De plus, les marchandises originaires du Canada/Mexique conformes aux règles d’origine USMCA restent exemptées des droits de douane réciproques (malgré les tensions sur d’autres sujets). Enfin, l’administration a supprimé en mai 2025 le plafond de minimis qui exonérait les petits colis (<800 $) de droits, pour empêcher des acteurs comme Shein ou Temu de profiter de ce « loophole ».

En bref : Les entreprises françaises exportant des machines, outils, composants ou pièces automobiles vers les États-Unis font face, en 2025, à des droits bien plus élevés qu’auparavant. Les produits européens subissent généralement un droit de douane américain d’environ 20 % (contre 0–5 % auparavant dans beaucoup de cas) du fait des droits de douane « individualisés » visant l’UE. Ce contexte oblige les industriels à adapter leurs stratégies pour préserver leur accès au marché américain.

Stratégies pour réduire ou éviter les droits de douane

Face à la montée des barrières tarifaires, les entreprises disposent de plusieurs stratégies juridiques et opérationnelles pour minimiser l’impact des droits de douane :

  • Implantation locale (filiale ou usine) : établir une présence industrielle dans le pays cible permet d’éviter l’essentiel des droits à l’importation. Par exemple, une entreprise peut ouvrir un site d’assemblage aux États-Unis pour que le produit fini soit Made in USA, échappant ainsi aux droits de douane sur les produits importés. Ce fut le choix de certains équipementiers (ex: un fabricant canadien de roues a démarré l’assemblage dans l’État de Washington pour livrer sans droits de douane aux clients américains). Attention toutefois aux coûts associés (investissements, hausse des coûts de production locaux) et aux réglementations (ex : contenu local minimum).

  • Utilisation des zones franches douanières (Foreign Trade Zones – FTZ) : aux USA, une FTZ est une zone où les marchandises étrangères peuvent être importées et entreposées sans acquitter immédiatement les droits​. Les droits ne sont dus que si et quand les biens entrent sur le marché américain. Cela offre plusieurs avantages :

    • Report de paiement : amélioration de la trésorerie en différant le paiement des droits jusqu’à la vente finale.

    • Réexportation sans droits : si les marchandises sont ensuite réexportées vers un autre pays, les droits US sont remboursés intégralement (on parle de drawback, voir plus bas).

    • Optimisation tarifaire : en FTZ, il est possible d’effectuer des transformations de la marchandise. Si le produit final transformé a un taux douanier plus faible que les composants importés, l’entreprise peut choisir d’appliquer le taux plus bas du produit fini. (Exemple : en important des pièces détachées avec droits élevés, puis en assemblant un équipement complet bénéficiant d’un droit moindre, puis en dédouanant le tout au taux réduit.)

    • Simplification administrative : les entreprises en zone franche peuvent consolider leurs déclarations douanières (ex : une entrée par semaine au lieu de par expédition), réduisant ainsi les coûts et la paperasse.

  • Recours au duty drawback : le drawback est un mécanisme de remboursement des droits de douane payés sur des intrants importés qui sont ensuite réexportés. Aux États-Unis, il permet de récupérer jusqu’à 99 % des droits, taxes et frais perçus à l’importation si la marchandise est soit réexportée sous forme identique, soit incorporée dans un produit réexporté. Par exemple, un fabricant français peut importer aux USA des composants avec paiement de droits, assembler une machine, et s’il réexporte celle-ci vers un client au Mexique, il pourra obtenir la restitution quasi intégrale des droits payés à l’entrée US. Ce dispositif, géré par l’agence des douanes américaine (CBP), nécessite de monter un dossier (preuves d’export, délais impartis, etc.).

  • Optimisation des règles d’origine : profiter des accords de libre-échange existants en structurant sa chaîne d’approvisionnement pour maximiser le contenu local dans la zone cible. Par exemple, pour accéder au marché US sans droits, une entreprise française peut fabriquer certaines pièces au Mexique ou au Canada de sorte que le produit final remplisse les critères d’origine de l’AEUMC (USMCA) et bénéficie du taux zéro vers les États-Unis. De même, une exportation vers un pays d’Asie avec lequel l’UE a un accord (ex : Vietnam) devrait intégrer un pourcentage suffisant de contenu « UE » pour être éligible à l’exonération de droits prévue par l’accord.

  • Reclassification douanière (tariff engineering) : il s’agit d’adapter la conception ou la définition du produit pour qu’il soit classé dans une catégorie douanière à taux plus faible (tout en respectant la loi). Cette pratique est autorisée si elle ne constitue pas une fraude. Par exemple, une société peut modifier légèrement son produit ou sa documentation pour lui attribuer un code SH plus favorable. Des cas célèbres incluent :

    • Marvel a convaincu la douane américaine en 2003 que ses figurines X-Men devaient être classées comme jouets non-humanoïdes plutôt que comme poupées, réduisant de moitié le droit applicable.

    • Des vêtements de fête transformés (ajout de velcro au lieu de fermetures éclair) ont pu être classés en articles festifs (droits nuls) plutôt qu’en habillement standard (droits élevés).

    • Ford avait importé des petits utilitaires Transit Connect en les déclarant comme véhicules passagers (2,5 % de droit) en installant temporairement des sièges à l’arrière – sièges retirés ensuite pour en faire des fourgons utilitaires normalement taxés à 25 %. Cette astuce lui a valu des poursuites et une amende de 365 millions $ en 2024 pour mauvaise classification.

      Conclusion : le tariff engineering doit être fait de bonne foi, mais peut offrir des gains substantiels si le code tarifaire visé a un taux nettement plus bas.

  • Diversification des chaînes d’approvisionnement : pour contourner des surtaxes ciblant un pays, les entreprises peuvent changer de source d’approvisionnement ou de lieu de production. Par exemple, face aux droits de douane US prohibitifs sur la Chine, de nombreux industriels ont déplacé leur production vers le Vietnam, la Thaïlande ou l’Indonésie (pays initialement moins touchés par la guerre commerciale). Cette stratégie demande du temps et peut entraîner d’autres coûts (requalification de fournisseurs, logistique), mais elle réduit l’exposition aux droits de douane punitifs. (NB : En 2025, la portée mondiale des droits de douane de Trump limite un peu l’intérêt, car plus de 80 pays sont visés. Néanmoins, certains pays ne subissent que le droit de douane minimal de 10 % – ex : le Royaume-Uni, Singapour ou le Chili – et pourraient servir de bases d’approvisionnement alternatives.)

  • Exemptions tarifaires et négociations : aux États-Unis, il est possible de demander des exemptions au cas par cas. Sous les droits de douane « Section 301 » contre la Chine (2018), un processus d’exclusion avait reçu plus de 53 000 demandes d’entreprises, dont 13 % furent accordées. Une entreprise peut solliciter le Bureau du représentant au commerce (USTR) pour faire exclure un produit spécifique du champ d’un droit additionnel, généralement en arguant de l’absence d’autre source d’approvisionnement viable. Cependant, ces procédures sont lourdes et peu transparentes – les critiques dénonçaient un favoritisme politique dans l’octroi des exclusions. En outre, de telles démarches s’inscrivent dans un rapport de force plus large : l’entreprise doit souvent mobiliser son secteur ou les autorités de son pays pour faire valoir ses droits. Par exemple, face aux menaces de Trump sur l’automobile, l’UE a brandi la menace de représailles ciblées (visant des produits emblématiques des fiefs républicains) pour dissuader les hausses.

  • Accords bilatéraux alternatifs : enfin, les entreprises peuvent tirer parti d’accords de libre-échange existants pour accéder indirectement à un marché. Par exemple, une entreprise française peut exporter depuis sa filiale en Turquie (Union douanière avec l’UE) vers certains pays voisins en profitant des accords de la Turquie, ou depuis une base en Asie du Sud-Est en profitant du grand accord régional RCEP (voir ci-dessous). Cette approche exige de s’implanter dans la zone concernée et de respecter les règles d’origine locales, mais elle ouvre l’accès préférentiel à des marchés où l’UE n’a pas d’accord direct.

En somme, chaque stratégie a des avantages et contraintes. Une combinaison judicieuse – par exemple optimiser le classement tarifaire de vos produits tout en localisant l’étape finale d’assemblage dans une zone franche du pays cible – peut fortement atténuer le choc des nouveaux droits de douane. Il est recommandé d’effectuer une analyse coût-bénéfice de ces options et de s’entourer de conseillers en douane et en commerce international pour sécuriser juridiquement les montages mis en place.

Accord de libre-échange UE–Mexique (janvier 2025)

L’Union européenne a accéléré la conclusion d’accords commerciaux face au climat protectionniste. Le 17 janvier 2025, UE et Mexique ont conclu les négociations d’un accord de libre-échange modernisé (accord global UE–Mexique). Cet accord, signé in extremis avant l’entrée en fonctions de Trump, met à jour un traité existant datant de 2000. Voici les points saillants de ce nouvel accord UE–Mexique :

  • Élimination des droits de douane : Pratiquement tous les produits industriels et agricoles échangés entre l’UE et le Mexique seront exonérés de droits de douane une fois l’accord en vigueur. L’accord actuel (2000) avait déjà supprimé la plupart des droits sur les biens industriels, mais le nouvel accord va plus loin, notamment dans l’agro-alimentaire. Le Mexique va supprimer des droits de douane pouvant atteindre 100 % sur des exportations phares de l’UE comme le fromage, la volaille, le porc, les pâtes, le chocolat, le vin, etc.. Par exemple, les fromages européens – jusqu’ici taxés autour de 20 % – deviendront graduellement duty-free, et des quotas supplémentaires sont instaurés pour le lait en poudre européen (30 000 tonnes à l’entrée en vigueur, 50 000 tonnes après 5 ans). Côté européen, l’accès en franchise de certains produits mexicains sensibles (viande bovine, volaille, miel, asperges, jus d’orange…) est accordé via des contingents ou des préférences tarifaires.

  • Accès aux marchés publics : L’accord ouvre largement les marchés publics mexicains aux soumissionnaires de l’UE, y compris au niveau des États fédérés. Concrètement, une entreprise européenne pourra candidater à des appels d’offres de collectivités mexicaines, dans des conditions de transparence et de non-discrimination alignées sur l’Accord sur les marchés publics de l’OMC. Réciproquement, les entreprises mexicaines obtiennent un accès aux marchés publics européens. Cet aspect est crucial pour les fournisseurs de machines et d’équipements : les marchés publics (infrastructures, équipements collectifs, etc.) représentent un débouché important au Mexique.

  • Services et investissement : Pour la première fois dans un accord UE avec un pays d’Amérique latine, un chapitre investissement avec mécanisme de règlement des différends est inclus. Il adopte le nouveau modèle UE de système de cour d’investissement (Investment Court System), garantissant la protection des investisseurs tout en affirmant le droit des États à réglementer dans l’intérêt public. Par ailleurs, l’accord libéralise davantage les services (finance, télécommunications, commerce électronique, transport…) en réduisant les obstacles réglementaires et en simplifiant les procédures de licence. Par exemple, les banques et assureurs européens pourront opérer au Mexique plus facilement via des licences simplifiées.

  • Indications géographiques protégées (AOP/IG) : Le traité étend à 568 le nombre d’indications géographiques européennes reconnues et protégées au Mexique. Cela inclut par exemple le Champagne, le Roquefort, le Parmigiano Reggiano, mais aussi des produits mexicains traditionnels. La reconnaissance des AOP assure qu’aucun produit d’imitation au Mexique ne pourra usurper ces appellations (ex : seul un fromage grec pourra s’appeler « Feta »​). C’était une exigence clé de l’UE pour valoriser ses produits régionaux de qualité.

  • Clauses de durabilité : Un chapitre Commerce et Développement Durable ambitieux lie juridiquement les deux parties sur le respect des droits du travail, la protection de l’environnement et l’application de l’Accord de Paris sur le climat. En cas de manquement grave (ex : non-respect de l’Accord de Paris), les avantages de l’accord pourraient même être suspendus. Des mécanismes de règlement des différends spécifiques, avec l’implication de la société civile et d’experts, sont prévus pour faire respecter ces engagements.

  • Autres dispositions notables : Le nouvel accord couvre aussi le commerce numérique (flux de données, commerce en ligne, protection du consommateur numérique), la coopération douanière (procédures simplifiées) et des engagements sur la lutte contre la corruption et le blanchiment. En matière douanière, il vise une simplification des formalités et la transparence des réglementations, ce qui devrait faciliter la vie des exportateurs de machines/outils français (réduction des délais aux frontières, reconnaissance mutuelle éventuelle des programmes d’opérateurs économiques agréés, etc.).

Cet accord modernisé doit encore être ratifié par les Parlements des deux côtés (UE et Mexique) avant d’entrer en vigueur. Son annonce a une forte portée stratégique : elle montre la volonté de l’UE de diversifier ses partenariats et de répondre aux pressions commerciales américaines en renforçant ses liens avec d’autres marchés majeurs. Pour les entreprises industrielles françaises, l’UE–Mexique version 2025 offre de nouvelles opportunités : un accès plus libre au marché mexicain (82 millions de consommateurs, 15e économie mondiale) pour les machines, pièces et composants sans droits de douane, la possibilité de participer aux marchés publics mexicains, et un cadre juridique sécurisé pour les investissements.

NB : L’accord UE–Mexique s’inscrit dans une dynamique plus large d’accords récents de l’UE avec le monde : juste avant, en décembre 2024, un accord avec le Mercosur a été finalisé, et l’UE négocie aussi avec l’Australie, l’Inde, l’Indonésie, etc. (voir section suivante). Cette « offensive commerciale » vise à compenser l’accès difficile au marché américain en ouvrant d’autres débouchés aux entreprises européennes.

Cartographie des autres accords et traités commerciaux pertinents

Outre l’accord UE–Mexique, plusieurs traités internationaux – conclus ou en négociation – impactent l’exportation de machines, outils, composants et pièces industrielles françaises. Voici une cartographie des principaux cadres applicables :

  • Accord UE–Mercosur (2024, en attente de ratification) : Le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) applique historiquement de hauts droits de douane sur les produits industriels (jusqu’à 35 % sur les automobiles et 18 % sur les pièces auto, taux maximum autorisé par le bloc)​​. Après 20 ans de négociations, un accord de principe UE–Mercosur a enfin été trouvé en décembre 2024. Cet accord prévoit, une fois ratifié, la suppression d’environ 91 % des droits de douane. Par exemple, le Mercosur éliminera progressivement son taux de 35 % sur les voitures européennes sur 15 ans​, et baissera drastiquement les droits sur machines et équipements (actuellement 14–20 %)​​. En échange, l’UE ouvrira son marché agricole (quotas pour la viande bovine, le sucre, etc.). Cependant, cet accord suscite des controverses : les agriculteurs européens craignent la concurrence, et des ONG dénoncent le risque d’augmentation de la déforestation en Amazonie liée à la hausse des exportations agricoles du Mercosur. Des garanties environnementales ont été ajoutées (engagement sur l’Accord de Paris, clause de suspension en cas de violation environnementale) pour faciliter la ratification.

    Implication pour les industriels français : une fois en vigueur, l’accord rendra les machines, outils et véhicules français beaucoup plus compétitifs au Mercosur en supprimant des droits qui étaient parmi les plus élevés du monde (en l’état, un constructeur français exportant une machine au Brésil paye ~14 % de droits, demain 0 %). En attendant la ratification, les exportateurs restent soumis au régime OMC (droits de douane NPF Mercosur).

  • Relations UE–Chine : Il n’existe pas d’accord de libre-échange entre l’UE et la Chine. Le commerce est régi par les règles de l’OMC, avec des droits NPF modérés mais non négligeables. La Chine impose en moyenne ~7,5 % de droits sur les produits industriels​. Les machines-outils européennes font face à des droits souvent autour de 8–10 %. Les pièces automobiles sont frappées d’environ 10 % et les véhicules complets de 15 % (après une baisse unilatérale de la Chine en 2018, de 25 % à 15 % sur les automobiles). Outre les droits de douane, les entreprises évoquent de nombreuses barrières non tarifaires en Chine (normes locales, exigences de joint-venture, transferts de technologie). Un accord global UE–Chine sur l’investissement (CAI) a été conclu en principe fin 2020 pour améliorer l’accès au marché et la protection des investisseurs, mais il est gelé pour des raisons politiques. En Asie, la Chine s’est tournée vers d’autres partenariats : elle fait partie depuis 2022 du Partenariat Régional Économique Global (RCEP) avec 14 autres pays d’Asie-Pacifique, ce qui crée la plus grande zone de libre-échange au monde (30 % du PIB mondial). Bien que l’UE n’y soit pas partie, RCEP pourrait indirectement accroître la concurrence asiatique (ex : un composant fabriqué au Japon peut entrer en Chine sans droit de douane grâce au RCEP, puis être incorporé dans un équipement exporté vers l’UE).

  • Accords UE–ASEAN et pays d’Asie du Sud-Est : L’UE n’a pas d’accord multilatéral avec l’ASEAN en bloc, mais a conclu des accords bilatéraux avec deux de ses membres jusqu’à présent :

    • L’accord UE–Vietnam (EVFTA), en vigueur depuis 2020, élimine presque tous les droits de douane entre l’UE et le Vietnam sur une période transitoire. Le Vietnam a accepté de supprimer 99 % de ses droits, avec des échéances échelonnées (par ex, les voitures européennes – initialement taxées 70 % – verront leur taux réduit à 0 % d’ici 2030 environ). Déjà, de nombreux biens industriels bénéficient de droits réduits ou nuls : machines, équipements électriques, etc. Le Vietnam applique encore des droits sur quelques produits sensibles, mais il s’agit d’un marché en forte croissance où les exportateurs français ont désormais un avantage tarifaire sur leurs concurrents (ex : un fabricant allemand/vietnamien face à un américain qui, lui, paye le droit de douane NPF).

    • L’accord UE–Singapour, en vigueur depuis fin 2019, a également supprimé pratiquement tous les droits (Singapour étant de toute façon un port franc, les taux étaient déjà nuls sur la plupart des produits industriels). L’enjeu porte plus sur les services et la reconnaissance mutuelle de normes.

    • Avec d’autres pays ASEAN (Thaïlande, Malaisie, Philippines, Indonésie), les négociations patinent ou sont suspendues. En l’absence d’accord, les exportateurs subissent les droits NPF de ces pays, souvent significatifs sur l’industriel : par exemple, la Thaïlande impose autour de 30 % sur les automobiles importées et 5–10 % sur les machines standard; l’Indonésie a des taux douaniers industriels moyens d’environ 8–10 %. À noter que plusieurs de ces pays (Malaisie, Vietnam, Singapour, Brunei) sont aussi membres du CPTPP (Accord de partenariat transpacifique global), ce qui favorise les échanges intra-Asie-Pacifique et avec des pays comme le Japon ou le Canada, créant un réseau d’accords dont l’UE est absente.

  • Accords existants avec d’autres partenaires :

    • UE–Canada (AECG/CETA) : provisoirement appliqué depuis 2017, il supprime 98 % des droits de douane. Un exportateur français de machines vers le Canada bénéficie donc d’un accès en franchise de droit (sauf pour quelques pièces automobiles où des règles d’origine complexes s’appliquent). Le CETA inclut aussi une reconnaissance mutuelle de certifications dans certains domaines (utile pour machines et appareils).

    • UE–Japon (EPA) : en vigueur depuis 2019, il a supprimé la plupart des droits industriels (le Japon a éliminé d’emblée ses droits de douane sur 94 % des importations de l’UE, dont les machines et équipements mécaniques). L’UE élimine progressivement ses 10 % sur les voitures japonaises d’ici 2027. Pour les outils et composants, le commerce UE-Japon est désormais quasiment libre de droits.

    • UE–Corée du Sud : accord en vigueur depuis 2011, il a supprimé tous les droits industriels (les constructeurs automobiles européens en ont bénéficié pour accéder au marché coréen sans le taux de 8 % qui existait).

    • UE–Royaume-Uni (TCA) : depuis le Brexit, le commerce avec le UK est régi par l’Accord de Commerce et de Coopération (ACC, 2021). Il prévoit le taux zéro de part et d’autre, mais sous condition de respecter les règles d’origine (ce qui a posé problème à certains exportateurs de pièces automobiles, obligés de prouver l’origine suffisante UE/UK de leurs produits). Les entreprises françaises de machines/équipements conservent donc un accès sans droits au marché britannique, à condition de bien documenter l’origine européenne de leurs produits.

    • Autres accords : l’UE a de nombreux autres accords couvrant plus de 70 pays (AELE, Turquie, accords avec les pays méditerranéens, accords de partenariat économique avec des pays d’Afrique, Caraïbes, Pacifique, etc.). Par exemple, la Turquie fait partie d’une union douanière avec l’UE pour les produits industriels : les biens circulent sans droits entre la France et la Turquie. De même, un exportateur français vers le Maroc ou l’Égypte bénéficie d’un taux nul ou préférentiel en vertu des accords d’association UE-Méditerranée. Il serait fastidieux de tous les énumérer, mais il est crucial pour les entreprises de cartographier les accords préférentiels en vigueur sur leurs marchés cibles et d’en exploiter les avantages (taux réduits, procédures douanières simplifiées, etc.).

En synthèse, malgré la fermeture relative du marché américain, les entreprises industrielles françaises disposent d’un vaste réseau d’accords commerciaux les aidant à exporter avec des droits réduits voire nuls vers de nombreuses régions du monde. Il est recommandé de vérifier le régime douanier applicable à chaque destination : profiter d’un accord existant ou anticiper l’entrée en vigueur prochaine d’un accord (ex : Mexique, Mercosur) peut orienter des choix stratégiques (prioriser tel marché, adapter l’origine des produits, etc.).

Secteurs industriels les plus sensibles aux barrières douanières

Certaines industries sont particulièrement exposées aux droits de douane et barrières commerciales, soit parce que les taux y demeurent élevés globalement, soit parce qu’elles sont utilisées comme leviers politiques dans les guerres commerciales. Parmi les secteurs affectant les machines, outils, composants, automobiles :

  • Industrie automobile : C’est un secteur emblématique souvent ciblé dans les négociations. De nombreux pays protègent leur marché automobile par des taux élevés : l’UE maintient 10 % sur les voitures importées, la Chine 15 %, l’Inde 60–100 %, le Mercosur 35 %​. Les pièces détachées sont aussi soumises à droits (ex : 18 % au Mercosur​). Les automobiles ont été au cœur des tensions UE-USA : Trump a plusieurs fois menacé d’un droit de 25 % sur les voitures européennes pour pression.

    L’industrie automobile est donc très sensible : elle subit des droits et des normes techniques contraignantes (règles d’émission, sécurité) variant selon les marchés. Des barrières douanières élevées peuvent dissuader l’exportation de véhicules assemblés et incitent à implanter des usines locales (d’où la présence de constructeurs français aux Maroc, en Amérique latine, etc.).

  • Machines et équipements industriels : Globalement, les droits sur les machines-outils et équipements mécaniques sont plus modérés (souvent <5 % dans les pays développés). Cependant, certains pays émergents appliquent encore des droits de douane notables pour protéger leurs industries naissantes. Par exemple, l’Inde et le Brésil ont longtemps maintenu ~20 % de droits sur de la machinerie lourde​. Les machines peuvent aussi être prises dans l’engrenage des guerres commerciales : la taxe US de 25 % sur l’acier a renchéri le coût des machines importées contenant de l’acier, et la Chine a répliqué en surtaxant certaines machines américaines en 2018. Ce secteur est aussi sujet aux obstacles techniques (certifications obligatoires différentes, exigences de contenu local dans les marchés publics, etc.).

  • Électronique et composants technologiques : Les droits sur l’électronique ont globalement baissé avec l’Accord ITA (Information Technology Agreement à l’OMC) qui a éliminé les droits sur de nombreux produits high-tech. Néanmoins, certains composants ou équipements électroniques ne sont pas couverts et subissent des droits (ex : ~8 % en Chine sur certains composants électriques). De plus, ce secteur est exposé aux barrières non tarifaires : contrôles à l’exportation (technologies sensibles), exigences de normalisation locale, etc. La guerre commerciale USA-Chine a particulièrement affecté le segment des composants (semi-conducteurs, etc.) avec des sanctions et restrictions au-delà des simples droits de douane.

  • Métaux et matériaux de base : Bien que ce ne soit pas le produit final des entreprises visées ici, c’est un secteur sensible car entrant de nombreux biens industriels. Les droits sur l’acier, l’aluminium (25 % et 10 % aux USA, respectivement), ou les taxes à l’exportation de certains pays (ex : taxes à l’export du minerai en Indonésie) ont un effet boule de neige sur toute la chaîne industrielle. Les entreprises fabricant des machines ou pièces en métal subissent ces mesures en amont.

  • Aéronautique et défense : Les avions civils bénéficient d’un accord plurilatéral éliminant les droits de douane (Accord sur les aéronefs civils à l’OMC), ces derniers ne sont donc pas le principal frein. Cependant, le secteur a subi d’autres barrières : l’UE et les USA se sont imposé mutuellement des droits en 2019 sur divers produits (dont des équipements industriels) dans le différend Airbus/Boeing (sanctions heureusement suspendues depuis 2021). La défense échappe souvent aux accords commerciaux (clauses de sécurité nationale), mais un industriel vendant du matériel dual peut se heurter à des restrictions d’importation.

  • Agroalimentaire : Ce n’est pas l’objet principal ici, mais c’est sans doute le secteur le plus protégé mondialement, avec des droits très élevés dans de nombreux pays (droits de 20–30 % courants, pics tarifaires >100 % sur certains produits agricoles). On mentionne l’agro car des mesures de rétorsion croisées y font parfois indirectement pression sur l’industriel (ex : l’UE a frappé des produits US iconiques comme les motos Harley-Davidson et le bourbon en réponse aux taux sur l'acier, ce qui a mis la pression sur Washington via d’autres industries).

En résumé, les pièces et équipements automobiles sont en première ligne des risques tarifaires, suivis par les machines industrielles dans certains pays émergents. Il est crucial pour une entreprise de cartographier sa chaîne de valeur pour identifier quelles parties sont exposées : par exemple, un fabricant de machines doit regarder non seulement les droits sur sa machine finie, mais aussi sur les composants qu’il exporte séparément pour maintenance, et sur ses matières premières. Les secteurs sensibles voient souvent des politiques publiques intervenir (subventions, achats publics favorisant le local, etc.), il faut donc anticiper ces obstacles au-delà du simple tarif douanier.

Recommandations concrètes pour les entreprises françaises

Au vu de cette analyse, voici quelques recommandations à l’attention des entreprises industrielles françaises (machines, outils, composants, automobile) pour naviguer dans l’environnement commercial actuel :

  1. Élaborer une stratégie douanière proactive : Intégrer la dimension « droits de douane » dans la planification stratégique. Cela implique de suivre de près les évolutions réglementaires (ex : nouvelles mesures US) et d’anticiper leurs impacts financiers. Désignez en interne un référent trade compliance ou faites appel à un cabinet spécialisé pour rester à jour des modifications tarifaires mondiales.

  2. Tirer parti du réseau d’accords commerciaux : Identifiez les accords de libre-échange pertinents pour vos marchés cibles et assurez-vous que vos produits satisfont aux règles d’origine pour en bénéficier. Par exemple, si vous exportez vers le Canada ou le Japon, optimisez votre production pour qualifier au CETA ou à l’accord UE-Japon et ainsi entrer à droits nuls. Préparez-vous également à l’entrée en vigueur prochaine de l’accord UE–Mexique et UE–Mercosur pour gagner des parts de marché dès que ces accords seront opérationnels.

  3. Réviser la chaîne d’approvisionnement et de production : Face aux taux US, envisagez de localiser certaines étapes de production en Amérique du Nord (USA, Mexique, Canada) afin de bénéficier du marché régional intégré (USMCA). De même, pour l’Asie, évaluez l’opportunité d’une implantation dans un pays ASEAN partenaire (Vietnam, Singapour) pour servir la zone Asie à moindre coût douanier. Cette stratégie de localisation doit s’accompagner d’une analyse fine des coûts : l’économie de droits compense-t-elle les investissements ? Peut-on créer une JV locale pour partager les risques ? (ex : co-entreprise en Inde ou en Chine dans une zone économique spéciale pour réduire les coûts d’entrée).

  4. Optimiser le classement et la conception des produits : Passez en revue la nomenclature douanière de chacun de vos produits. Assurez-vous qu’ils sont bien classés sous le code HS le plus favorable légalement. Explorez le tariff engineering pour vos produits phares : de petites modifications (composition, packaging, assemblage final…) pourraient les faire basculer sur un poste tarifaire moins taxé. Consultez des experts en douane pour valider ces optimisations et éviter les litiges (une économie potentielle de 5-15 points de droits mérite qu’on s’y attarde, tant que c’est dans le respect des règles).

  5. Utiliser les dispositifs douaniers spéciaux : Si vous exportez régulièrement vers les USA, envisagez d’opérer via une Foreign Trade Zone pour différer ou éviter le paiement de droits sur des intrants réexportés. De même, mettez en place des procédures de drawback pour récupérer les droits à l’import dès que possible sur vos réexportations​. En France, renseignez-vous sur les régimes de perfectionnement actif/passif qui permettent d’importer temporairement sans droits pour transformation/réexport. Ces dispositifs améliorent significativement la compétitivité coût à l’international.

  6. Diversifier les marchés et réduire la dépendance : Si le marché américain devient trop coûteux à servir du fait des taux, intensifiez vos efforts commerciaux vers des marchés alternatifs où l’environnement est plus stable (Europe, Asie Pacifique, Afrique…). La diversification géographique dilue le risque. Par exemple, de 2018 à 2022, les exportations de l’UE vers le Mexique ont augmenté de +107 %, signe que des entreprises ont compensé le ralentissement avec les USA en se tournant vers d’autres partenaires.

  7. Renforcer le lobbying et la coopération sectorielle : Intégrez les fédérations professionnelles (type FIM pour la mécanique, FIEV pour les équipementiers auto, etc.) pour faire porter votre voix auprès des décideurs. Ces instances peuvent relayer l’impact négatif des droits de douane auprès du gouvernement français, de l’UE ou dans les dialogues bilatéraux (ex : demander à la Commission européenne d’inclure votre produit dans la liste des représailles ou des négociations pour pression). De même, aux États-Unis, participez via vos filiales aux consultations du USTR sur les exclusions de droits​. L’action collective a plus de poids qu’isolée.

  8. Surveiller les barrières non tarifaires : Parallèlement aux droits de douane, gardez un œil sur les normes techniques, réglementations sanitaires, quotas éventuels ou restrictions à l’exportation qui peuvent surgir (ex : contrôles export US sur technologies sensibles, exigences locales de certification). Intégrez ces facteurs dans votre stratégie d’accès aux marchés pour éviter les mauvaises surprises une fois les obstacles tarifaires franchis.

En appliquant ces recommandations, les entreprises industrielles françaises seront mieux armées pour sécuriser leurs exportations dans un contexte international volatil. Le maître-mot est l’anticipation : la politique commerciale pouvant changer rapidement (comme l’a montré l’élection de 2024 aux USA), il faut bâtir des plans alternatifs et rester agile. En diversifiant les marchés, en optimisant la supply chain et en s’appuyant sur les outils juridiques disponibles, il est possible de réduire substantiellement la facture douanière et de maintenir la compétitivité de nos produits sur la scène mondiale.

N'hésitez pas à prendre rendez-vous ici pour en discuter et élaborer votre stratégie. 

Dernière mise à jour de l'article : 16.04.2025