Structuration des financements internationaux des PME : schémas et pratiques

Se développer à l'international est une étape clé pour de nombreuses PME, mais elle s'accompagne de risques importants. Qu'il s'agisse d’ouvrir une filiale à l’étranger, d’exporter des produits ou de nouer des partenariats commerciaux, ces projets nécessitent souvent des financements conséquents. Pourtant, convaincre banques et investisseurs n’est pas toujours simple : face à la distance, à la complexité juridique et au risque de défaut, les réticences sont fortes. Pour sécuriser ces opérations, il est essentiel de mettre en place des mécanismes juridiques adaptés, capables de rassurer les créanciers sur leur capacité à recouvrer leurs créances en cas de difficulté.

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Structuration des financements internationaux

Après le tour d’horizon des instruments disponibles, comment structurer concrètement un financement international sécurisé pour une PME ? Il n’y a pas de schéma unique, car tout dépend de la nature du projet (exportation ponctuelle, implantation durable à l’étranger, acquisition, joint-venture, etc.), du profil de risque de la PME, et des exigences du financeur. Cependant, on peut dégager quelques schémas-types de financement international où interviennent les garanties contractuelles évoquées :

  • Financement d’un contrat d’exportation (court terme) : Pour des opérations telles que la vente de biens à l’étranger, la préoccupation principale du vendeur est d’être payé, et celle de l’acheteur est de recevoir la marchandise conforme. Un montage classique est le suivant : l’exportateur obtient de sa banque une ouverture de crédit documentaire confirmé en sa faveur (sécurisant le paiement dès l’expédition) ou une garantie de paiement stand-by si le crédit documentaire n’est pas utilisé. En parallèle, l’importateur peut demander à l’exportateur une garantie de restitution d’acompte (s’il paye une partie à la commande) ou une garantie de performance. Si la PME exportatrice a besoin de fonds pour produire la commande, elle peut mobiliser l’acompte reçu, ou négocier un préfinancement bancaire sécurisé par la commande ferme et éventuellement par une assurance-crédit. Une fois la livraison faite et les documents remis, la banque paie via le crédit doc, et le risque est quasiment éliminé.

    Exemple concret : Une PME française vend des machines en Amérique latine pour 1 M€. Elle négocie un paiement 30% à la commande, 70% à 60 jours après expédition. L’acheteur obtient une garantie de restitution de l’acompte de 300 k€ émise par la banque de la PME (pour le cas où la PME ne livrerait pas). De son côté, la PME fait confirmer par sa banque un crédit documentaire irrévocable pour les 70% restants, payable à 60 jours contre connaissement et certificat de recette. La PME peut, dès l’expédition, escompter ce crédit documentaire confirmé et obtenir immédiatement le solde en trésorerie. Ainsi, grâce aux garanties croisées, les deux parties sont protégées et l’opération est financée sans encombre.

  • Financement d’un investissement à l’étranger (moyen/long terme) : Lorsqu’une PME crée ou acquiert une filiale à l’étranger, ou investit dans une usine/outils de production à l’international, il s’agit de financements plus longs (crédit pluriannuel, crédit-bail, emprunt obligataire, etc.). Ici, la banque locale du pays d’accueil exigera souvent des garanties locales (gage sur les actifs de la filiale, hypothèque sur les biens achetés) et une garantie du groupe. Le montage type peut impliquer : un prêt local libellé en monnaie locale par une banque du pays, garanti par une lettre de crédit stand-by émise par la banque de la PME dans son pays d’origine. La banque locale prêteuse se contente alors de la SBLC comme “garantie de premier rang” (éventuellement complétée par des sûretés locales sur les actifs). La PME, de son côté, fournit à sa banque émettrice de la SBLC une contre-garantie (nantissement de ses comptes, hypothèque sur son siège social, etc.). Ce schéma est fréquent car il utilise la connaissance du terrain par la banque locale et la relation de confiance entre la PME et sa banque domestique.

    Illustration : Une PME italienne ouvre une filiale de distribution en Californie. Plutôt que de mobiliser tout en fonds propres, elle souhaite un emprunt local de $2 millions pour financer l’entrepôt et le fonds de roulement. La banque américaine accepte de prêter à la filiale US si une banque italienne de premier plan lui fournit une stand-by letter of credit de $2M valable 3 ans. La PME obtient de sa banque en Italie l’émission de cette SBLC, moyennant un nantissement sur des actifs en Italie. La filiale US signe le prêt local, les fonds sont débloqués. Si la filiale US fait défaut sur le prêt, la banque US appellera la SBLC italienne et sera remboursée immédiatement – la banque italienne deviendra alors créancière de la PME italienne, ayant les actifs en garantie chez elle. Ce mécanisme tri-partite est assez courant dans le financement des filiales de PME à l’étranger.

  • Financement syndiqué ou obligataire international : Pour des montants plus élevés, plusieurs banques ou investisseurs peuvent prêter conjointement à la PME. Dans ce cas, la coordination des garanties est essentielle. On fait souvent appel à un agent des sûretés (ou security agent/trustee) qui va gérer l’ensemble des garanties prises dans les différentes juridictions pour le compte du pool de prêteurs​. Par exemple, un crédit syndiqué européen de 50 M€ à une ETI comportant des sûretés en France, en Allemagne et en Espagne pourra désigner une banque agente qui inscrira et réalisera les sûretés pour le compte de toutes. La France s’est dotée depuis 2017 d’un statut modernisé d’agent des sûretés qui facilite cela, là où avant les banques préféraient prendre un trustee anglais pour régir même des sûretés françaises​. En pratique, pour une PME, une émission obligataire privée (Euro PP par ex.) peut être garantie par une fiducie-sûreté regroupant les actifs, avec un trustee unique représentant les porteurs d’obligations. Ce type de structure, bien que plus sophistiquée, devient accessible à des entreprises de taille moyenne cherchant des financements alternatifs. Legal Growth a par exemple assisté une entreprise dans un Euro PP de 15 M€ où un trust law londonien a été choisi pour la gouvernance des garanties, assurant aux investisseurs internationaux une grande clarté juridique.

  • Intervention des institutions publiques et multilatérales : Dans certains schémas, surtout pour les PME innovantes ou sur des marchés émergents, les garanties contractuelles privées sont complétées par des garanties publiques. On peut avoir la banque de développement locale, une agence multilatérale ou nationale qui participe à la garantie. Par exemple, la SBA américaine peut garantir un pourcentage d’un prêt export accordé par une banque US à une PME, ce qui a un effet de levier important​. De même, le FEI en Europe ou des programmes comme InnovFin ont garanti des portefeuilles de prêts bancaires aux PME pour l’international​. Ces garanties institutionnelles viennent en complément des sûretés et garanties contractuelles : elles rassurent la banque (qui voit son risque partiellement couvert par l’État ou l’UE) et peuvent diminuer les exigences en collatéral vis-à-vis de la PME. Une PME biotech française qui obtient un prêt “InnovFin – Horizon 2020” bénéficiera d’une garantie européenne à 50% ; la banque ne demandera alors peut-être que des garanties limitées sur les actifs, le reste du risque étant porté par l’UE. À Singapour, on trouve également des programmes gouvernementaux où l’État partage le risque avec les banques pour inciter au prêt aux PME locales dans leurs projets d’expansion régionale.

En synthèse, la clé d’une structuration réussie est de combiner judicieusement : les garanties appropriées (réelles et/ou personnelles) en fonction des actifs de la PME, un ou plusieurs garants solides (banque, assureur, société-mère), et un montage contractuel clair (clauses d’appel, coordination entre garanties, choix de la loi). Chaque partie prenante doit y trouver son compte : le créancier voit son risque atténué à un niveau acceptable, la PME accède aux fonds nécessaires tout en préservant son exploitation (il faut éviter de sur-garantir au point d’asphyxier l’entreprise), et les éventuels tiers garants sont protégés par des recours subrogatoires ou contre-garanties équilibrées.

Exemples concrets et jurisprudence récente

Pour illustrer ces principes, examinons quelques situations concrètes (les noms ont été changés pour préserver l'anonymat des clients) rencontrées dans la pratique, ainsi que les enseignements de jurisprudences récentes, notamment en France et aux États-Unis, sur la validité et l’efficacité des garanties.

  • Exemple 1 : PME industrielle française exportant en Asie avec garantie bancaire. La société Alpha fabrique des pièces mécaniques. Elle décroche un important contrat en Corée du Sud pour €500k. Le client coréen exige une garantie bancaire de restitution d’acompte de 20% (soit €100k) et une garantie de bonne fin de €500k valables jusqu’à la fin du projet. Alpha se tourne vers sa banque française qui émet deux garanties autonomes à première demande pour son compte, libellées en faveur du client coréen, conformément aux pratiques URDG de la CCI. En contrepartie, la banque prend un nantissement sur les créances à venir d’Alpha (ordre de mission du contrat) et demande un dépôt de 20% en liquidités. Le projet se déroule correctement, et les garanties expirent sans être appelées. Alpha a pu réaliser l’affaire et être payée grâce à ces garanties qui ont rassuré le client.

    Point notable : au début du contrat, le client coréen a tardé à ouvrir le crédit documentaire pour payer les 80% restants. Alpha, craignant un risque sur ce solde, a activé l’assurance-crédit export qu’elle avait souscrite : l’assureur (Bpifrance Assurance Export) a alors mis en demeure le client via ses relais, ce qui a accéléré l’ouverture du crédit documentaire. Cela montre l’effet conjugué des outils de garantie de part et d’autre.

  • Exemple 2 : PME américaine ouvrant une filiale en Europe avec stand-by et support SBA. La société Beta Inc. (USA) vend des équipements médicaux. Elle veut s’implanter dans l’UE via une filiale en Allemagne et a besoin de financer un showroom et du stock initial pour 2 M€. Une banque allemande est prête à prêter à la filiale à condition d’avoir une SBLC d’une banque américaine couvrant 50% du prêt, et une hypothèque sur le showroom pour le solde. Beta obtient de sa banque US une SBLC de $1,1M (≈50% de 2 M€) sous la garantie d’un programme de la SBA qui couvre 75% du montant en cas de sinistre (c’est l’un des programmes de garantie de prêts export de la SBA​). Ainsi, la banque US a pris un faible risque réel (25% de 1,1M) et l’a repassé en partie sur la SBA, et la banque allemande est rassurée par la SBLC à première demande. La filiale obtient le prêt, ouvre son showroom. Tout se passe bien : les ventes décollent et le prêt est remboursé en 3 ans, libérant l’hypothèque et la SBLC.

    Enseignement : Ici on voit l’usage combiné d’une garantie publique (SBA) et d’une garantie bancaire stand-by pour structurer un crédit transatlantique. Beta Inc. a pu limiter l’immobilisation de capitaux propres grâce à ce montage.

  • Exemple 3 : Jurisprudence sur la requalification d’une garantie – Cas du dirigeant caution en France. La Cour de cassation française a rendu en mars 2022 un arrêt remarqué (n°19-24.990) : un dirigeant de PME avait signé un document intitulé « garantie à première demande » au profit d’un fournisseur de sa société, garantissant le paiement de factures dans la limite de 60 000 €. Lorsque la société n’a pas payé, le fournisseur a appelé la garantie auprès du dirigeant, qui a contesté en justice en soutenant que son engagement était en réalité un cautionnement (et donc nul faute de mention manuscrite et disproportionné à ses revenus). La Cour de cassation lui a donné raison, en examinant l’acte : bien que qualifié de garantie à première demande, l’acte mentionnait que le garant s’engageait « en tant que caution solidaire » jusqu’à 60 000 € pour les sommes dues par la société – une rédaction contradictoire qui liait l’engagement à la dette principale. La Cour a jugé qu’il ne s’agissait pas d’une obligation autonome distincte, et a donc requalifié en cautionnement, entraînant la nullité pour non-respect des exigences formelles​.

    Leçon pratique : la rédaction des actes de garantie est cruciale. Il faut éviter tout vocabulaire ou mécanisme rattachant la garantie à la dette de base (au-delà de la simple référence « en considération de l’obligation d’un tiers » autorisée par la définition légale). Legal Growth recommande de prévoir, pour une garantie autonome, une formule du type : « Le Garant s’engage irrévocablement et inconditionnellement à première demande à payer au Bénéficiaire toute somme réclamée en principal, intérêts et frais, dans la limite de X €, sans pouvoir opposer aucune exception relative aux relations entre le Bénéficiaire et [Débiteur] ». Ceci afin de lever toute ambiguïté. Dans l’affaire de 2022, le piège a été l’ambivalence de l’acte – une erreur évitable par une revue juridique experte en amont.

  • Exemple 4 : Jurisprudence aux États-Unis sur les lettres de crédit – principe de l’indépendance et exception de fraude. Un arrêt fondateur de la jurisprudence américaine, Sztejn v. J. Henry Schroder Banking Corp., New York 1941 (bien qu’ancien, il reste une référence), a illustré le principe d’indépendance du crédit documentaire. Dans cette affaire, un acheteur avait découvert que les marchandises expédiées étaient de la « camelote » (coquillages au lieu des poils de poivre commandés !). Il voulait empêcher la banque de payer le vendeur malgré la présentation conforme des documents. Le tribunal a reconnu la seule exception à l’obligation de payer : la fraude documentaire avérée du vendeur. En l’occurrence, comme il y avait fraude flagrante, la banque pouvait refuser de payer le crédit. En dehors de cela, l’obligation de la banque est absolue de payer sur documents conformes, sans s’immiscer dans le litige sous-jacent. Cette jurisprudence, transposée aux stand-by letters of credit, montre aux PME qu’elles ne pourront bloquer le paiement d’une garantie bancaire ou d’un crédit doc qu’en prouvant une fraude manifeste du bénéficiaire lors de l’appel (ce qui est rare). Donc, si une PME émet une stand-by en faveur d’un partenaire et que celui-ci l’appelle abusivement, le recours de la PME sera de poursuivre le partenaire ensuite, mais la banque paiera d’abord. C’est pourquoi, avant de consentir à émettre ou faire émettre une garantie autonome, il faut être confiant dans la relation ou calibrer strictement les conditions d’appel (par ex, exiger un certificat de l’ingénieur en cas de performance bond, etc., plutôt qu’une simple affirmation sur l’honneur).

  • Exemple 5 : Pratique notable – la fiducie-sûreté dans une procédure de sauvegarde. En France, on a vu des cas où la fiducie-sûreté a prouvé son efficacité lors des difficultés d’une entreprise. Par exemple, la société Gamma avait contracté un emprunt obligataire de 5 M€, sécurisé par une fiducie-sûreté sur son stock de métaux précieux. Placée ensuite en procédure de sauvegarde (procédure collective), Gamma a voulu récupérer son stock pour poursuivre l’activité, mais la fiducie étant un patrimoine séparé, le juge commissaire a dû autoriser la cession de l’actif fiduciaire au bénéfice des obligataires, sans que ce stock n’entre dans le plan de sauvegarde. Les obligataires ont pu être remboursés largement grâce à la vente du stock fiduciaire, tandis que les autres créanciers chirographaires ont supporté le risque de la sauvegarde. Ce cas, commenté par les praticiens, confirme la “super-préférence” qu’apporte la fiducie-sûreté aux créanciers bénéficiaires, même face au gel des actions individuelles en procédure collective. Pour une PME, cela signifie qu’en offrant une fiducie-sûreté, elle réduit sa marge de manœuvre en cas de difficultés (car l’actif est bloqué pour les créanciers désignés), mais en contrepartie elle obtient souvent un financement que sinon elle n’aurait pas eu. C’est un choix stratégique à peser.

Modèles de clauses types commentées

Pour terminer, nous proposons quelques clauses contractuelles types qui illustrent comment formuler concrètement des garanties dans les contrats, assorties de commentaires. Ces modèles sont simplifiés ; en pratique, une clause doit être ajustée au cas par cas et en conformité avec la loi applicable.

1. Clause de garantie de paiement à première demande (garantie autonome)

Exemple de clause (France/UE) :

« Garantie de Paiement. En garantie des obligations de paiement de la Société X au titre du Contrat, [Banque Y] (ci-après le “Garant”) s’engage irrévocablement, à première demande écrite de la Société Z, à payer à celle-ci dans les cinq jours tout montant, en principal, intérêts ou pénalités, réclamé comme dû par X en vertu du Contrat, dans la limite d’un plafond de [XXX] €. Le Garant effectuera ce paiement sans pouvoir opposer aucune exception ou contestation, nonobstant toute contestation ou procédure engagée par X à l’encontre de Z. La présente garantie prendra fin le [date] sauf appel formé avant cette date. »

Commentaire : Cette clause pourrait figurer dans un contrat international où X est le débiteur (acheteur, emprunteur…) et Z le bénéficiaire (vendeur, prêteur…). Elle stipule qu’une banque Y fournit une garantie à première demande. On remarque les éléments essentiels : (a) l’engagement est autonome (“sans pouvoir opposer aucune exception”), (b) il est irrévocable et payable à première demande écrite, (c) un plafond est prévu (important pour limiter l’exposition du garant), (d) une date de fin est indiquée pour éviter une garantie perpétuelle. Cette clause devrait être adossée à une lettre de garantie émise par la banque Y, car dans un contrat commercial X-Z, la banque Y n’est pas partie. Souvent, le contrat principal stipule que X fera émettre cette garantie bancaire selon les termes convenus. Par ailleurs, la clause pourrait préciser les documents à fournir à l’appui de la demande (par ex. “une déclaration signée par un dirigeant de Z attestant du manquement de X” pour équilibrer). Du côté du garant, le plafond et la date limite offrent une visibilité du risque. Du côté du bénéficiaire Z, cette clause lui donne la certitude d’un recours rapide en cas de défaut de X, sans attendre une décision de justice. Il conviendrait d’adapter la rédaction selon la loi : en common law, on parlerait de “on first demand, the Guarantor shall pay upon presentation of a written demand stating that X has defaulted…”, etc. Notons que si X remplit ses obligations, la garantie ne sera jamais appelée et expirera d’elle-même.

2. Clause de réserve de propriété (sécurisation d’une vente internationale)

Exemple de clause (contrat de vente international, loi française ou allemande par ex.) :

« Réserve de Propriété. Les Parties conviennent que les biens vendus resteront la propriété du Vendeur jusqu’au paiement intégral du prix en principal et accessoires. À défaut de paiement à l’échéance convenue, le Vendeur pourra revendiquer la restitution des biens aux frais et risques de l’Acheteur, où qu’ils se trouvent. Cette clause de réserve de propriété est expressément acceptée par l’Acheteur et sera opposable y compris en cas de procédure collective ouverte à son encontre, conformément à la législation applicable​. L’Acheteur s’engage, tant que le transfert de propriété est suspendu, à ne pas grever ni céder les biens, sauf revente dans le cours normal des affaires. »

Commentaire : Cette clause, typique dans les CGV, permet au vendeur de garder la main sur la marchandise jusqu’au paiement complet. Nous avons inséré une référence à l’opposabilité y compris en cas de faillite (ce qui est conforme au droit français et à la directive européenne​, sous certaines conditions de revendication rapide). Dans un contexte international, il faut veiller à ce que la réserve de propriété soit efficace dans le pays de l’acheteur : par exemple, en Allemagne, la clause est reconnue de plein droit, en Italie aussi, mais en Angleterre le Retention of Title clause est soumise à certaines restrictions (et assimilée parfois à un floating charge si l’acheteur est autorisé à revendre – auquel cas elle doit être enregistrée). La phrase interdisant de grever ou céder protège le vendeur contre une aliénation illicite du bien par l’acheteur avant paiement. Le cas de revente normale est prévu car en pratique l’acheteur peut revendre les biens finis ; dans les droits comme l’allemand, il existe la notion de prolonged ROT où la réserve porte sur le prix de revente alors. Cette clause concilie accessibilité (une PME comprendra qu’elle récupère ses billes si on ne la paie pas) et technicité juridique.

3. Clause de cautionnement solidaire d’un dirigeant (à manier avec précaution)

Exemple de clause (France) :

« Cautionnement Solidaire du Dirigeant. M. X, agissant en son nom personnel, se porte caution solidaire et indivisible de la Société Y pour toutes les obligations de paiement de cette dernière au titre du Contrat, dans la limite d’un montant principal de … € augmenté des intérêts au taux de …% l’an et frais de recouvrement. M. X renonce au bénéfice de discussion et au bénéfice de division. Il s’engage à exécuter les obligations garanties sur simple demande du Bénéficiaire dès le premier incident de paiement non régularisé par Y, sans pouvoir opposer les exceptions liées au contrat principal. Les Parties conviennent que le présent cautionnement est un engagement exprès de garantie au sens de l’article 2292 du Code civil. »

Commentaire : Ce type de clause serait inséré si un fournisseur ou un prêteur souhaite que le dirigeant s’engage à payer personnellement en cas de défaut de la société. La rédaction inclut les mentions classiques : caution solidaire (pas de bénéfice de division/discussion), un plafond (fortement conseillé pour éviter la disproportion), et même une sorte de renonciation aux exceptions. Toutefois, en droit français, même si le dirigeant renonce aux exceptions, cela reste un cautionnement (il ne peut pas se transformer en garantie autonome car il demeure accessoire à la dette de Y). On a fait référence à l’article 2292 C.civ (forme du cautionnement). En pratique, une telle clause devrait être manuscrite par M. X pour être valable s’il est personne physique non commerçante. Ce modèle montre comment un contrat principal peut prévoir un cautionnement tiers. Dans la plupart des autres pays, la caution personnelle du dirigeant se fait par un acte séparé, pas nécessairement dans le contrat de crédit principal, mais cela pourrait être annexé. À noter : aux USA, ce serait un Personal Guarantee Agreement séparé avec des formulations de continuing guarantee.

Il est important de souligner qu’un dirigeant qui signe cela engage son patrimoine. Legal Growth conseille de ne recourir à de tels cautionnements qu’en ultime garantie, et éventuellement de les assortir de contre-garanties (par ex, la société peut indemniser le dirigeant ou lui donner une hypothèque de 2e rang en retour, etc., pour équilibrer) - dans la mesure du négociable !

4. Clause de covenants et cas de défaut croisé (extrait d’un contrat de prêt)

« Engagements Financiers – Covenant : L’Emprunteur s’engage à maintenir, tant que tout montant reste dû au titre des Prêts, un ratio de [Capitaux Propres / Total Bilan] d’au moins X%. Ce ratio sera calculé semestriellement sur la base des comptes de l’Emprunteur. Le non-respect de cet engagement constituera un cas de défaut si non régularisé dans un délai de 3 mois.

Cross-default : Il y aura également défaut au titre du présent Contrat si l’Emprunteur ou toute filiale de l’Emprunteur fait défaut de manière significative sur toute autre dette financière d’un montant supérieur à … € (ou équivalent) envers le Prêteur ou un tiers, et que ce défaut n’est pas remédié dans les 30 jours. En cas de survenance d’un cas de défaut non remédié, le Prêteur pourra prononcer l’exigibilité anticipée de plein droit de l’ensemble des sommes dues, et exiger le paiement immédiat, sans préjudice des sûretés et garanties dont il dispose par ailleurs. »

Commentaire : Ces clauses, courantes dans la documentation de prêt, ne sont pas des garanties mais contribuent à la sécurisation du prêteur. Le covenant financier oblige l’emprunteur à maintenir une certaine santé financière (ici un ratio de solvabilité) – c’est une garantie de comportement. Le cross-default évite qu’un emprunteur fasse défaut ailleurs sans conséquence ici : le prêteur peut ainsi se protéger si l’emprunteur a un problème sur une autre dette, en évitant l’effet domino. La clause prévoit la sanction : exigibilité anticipée (acceleration). En combinaison avec les garanties vues auparavant, ces mécanismes contractuels permettent au créancier d’agir vite (exiger paiement et, s’il n’obtient pas, appeler les garanties ou réaliser les sûretés). Une PME qui signe cela doit être consciente de ses obligations continues et de la nécessité de suivre ses ratios. Legal Growth insiste pour que les PME négocient des seuils et marges de tolérance réalistes, afin d’éviter de tomber en défaut pour un léger accident de parcours.

Différences entre juridictions sur certains instruments

En filigrane de ce qui précède, nous avons évoqué plusieurs différenciations entre juridictions. Récapitulons quelques différences notables qu’un dirigeant de PME doit avoir à l’esprit lorsqu’il mobilise des garanties à l’international, car une même notion peut être traitée différemment selon les pays :

  • Garanties autonomes vs légalité bancaire : Aux États-Unis, les “bank guarantees” pures sont moins courantes ; on utilise les stand-by L/C car le cadre réglementaire bancaire ne parlait que de lettres de crédit​. En Europe, les garanties bancaires à première demande sont monnaie courante, y compris émises par des banques. Singapour suit la pratique anglo-saxonne (stand-by très utilisées). La Suisse autorise les banques à donner des garanties à première demande également. Donc pour une PME, le naming peut changer mais il faut comprendre que la banque américaine vous proposera sans doute une “SBLC” là où votre banque française parle de “garantie à première demande” – ce n’est pas un refus, juste une terminologie/culture différente.

  • Formalisme des cautionnements : Les pays latins (France, Belgique, Espagne…) imposent souvent des mentions manuscrites ou exigent l’expression expresse du consentement pour protéger la caution personne physique. À l’inverse, en common law, un guaranty signé (même électroniquement) suffit, il n’y a pas de cérémonial particulier. Une PME canadienne du Québec devra respecter la mention manuscrite française si son dirigeant se porte caution en France, par exemple. De plus, la notion de “caution disproportionnée” est très française : en Angleterre ou aux USA, si un garant signe un accord, il est en principe tenu même si c’était imprudent (sauf dol ou pressure prouvée). Il faut donc calibrer la portée de l’engagement en amont (limites de montant, durée).

  • Publicité des sûretés et opposabilité : Un point technique mais crucial : dans chaque pays, pour rendre une sûreté réelle opposable, il y a des formalités (registre). Les systèmes UCC/PPSA (USA, Canada hors Québec) ont un fichier unique pour les sûretés mobilières, ce qui facilite la vérification des charges sur un débiteur. En Europe, on a une mosaïque de registres (registre du commerce pour le nantissement de fonds de commerce, INPI pour le nantissement de brevet, etc.). Une PME doit s’assurer que ses garanties prises à l’étranger sont bien enregistrées où il faut, sinon elles pourraient être inopposables en cas de concurrence de créanciers. Par exemple, un gage d’équipement au Mexique doit être inscrit au registre des garanties mobiliarias sinon il n’a pas de rang, etc. Legal Growth procède à ces vérifications locales via son réseau.

  • Saisie et réalisation des garanties : Les procédures pour faire jouer les garanties varient aussi. En France, même avec une hypothèque, il faut en principe une décision de justice pour saisir et vendre un immeuble (sauf clause d’attribution conventionnelle ou pacte commissoire inséré depuis 2006). Aux États-Unis, un créancier nanti peut souvent procéder par lui-même à la reprise de possession d’un bien mobilier si c’est fait sans “breach of peace” (article 9 UCC). D’où un recouvrement potentiellement plus rapide. En Suisse ou en Allemagne, le créancier doit souvent passer par un huissier ou officier public. Les garanties autonomes, elles, sont relativement uniformes quant au mode d’appel, grâce aux règles de la CCI ou à la Convention de l’ONU de 1995 sur les garanties indépendantes (non universelle, mais qui a influencé le droit interne).

  • Insolvabilité et restructuration : La façon dont une faillite impacte les garanties diverge. Aux USA, le Chapter 11 peut geler toute action (y compris appeler une garantie bancaire ? normalement l’automatic stay ne s’applique pas aux lettres de crédit car c’est l’obligation de la banque, pas du débiteur – un avantage de plus). Dans l’UE, le règlement insolvabilité permet à un créancier ayant une sûreté sur un bien situé dans un autre État membre d’être payé sur le bien hors procédure principale (principe de division patrimoniale). Les PME ne maîtrisent pas toujours ces subtilités, mais doivent savoir par exemple qu’en ouvrant une procédure collective en France, un créancier muni d’une garantie sur un bien à l’étranger pourra agir quand même là-bas. D’où l’importance, quand on est emprunteur, de négocier éventuellement des clauses de standstill ou de moratoire aussi sur l’exécution des sûretés étrangères en cas de sauvegarde, pour éviter une liquidation bout à bout.

  • Approche culturelle des garanties : Au-delà du droit, chaque place a sa culture. En Allemagne ou en Italie, les banques exigent presque systématiquement une garantie personnelle des dirigeants de PME – c’est la “normalité” des Mittelstand. En Scandinavie, on privilégie plus les sûretés réelles et l’assurance-crédit, les cautionnements perso sont moins systématiques. Aux États-Unis, l’usage intensif du collateral (actifs en garantie) et le concept de blanket lien fait qu’un prêteur prend tout ce qu’il peut en garantie dès le début (comptes, stocks, équipement, propriété intellectuelle…) via un seul accord de sûreté générale. En France, on raisonnait plus en termes de garanties spécifiques actives par active, même si la réforme de 2017 tend vers plus de globalité. Singapour, héritière du droit anglais, a des pratiques très business-friendly : par exemple, la possibilité de faire des floating charges converties en fixed charge en cas de défaut, ou de recourir facilement à des injonctions judiciaires pour prendre possession d’un collatéral.

En conclusion sur ce point, toute PME engagée dans un financement international doit cartographier le cadre juridique de chaque pays impliqué : Quel droit régit le contrat principal ? Ce droit reconnaît-il la clause de garantie que je prévois (sinon, faut-il un acte séparé) ? Ai-je le droit de constituer telle sûreté dans tel pays (ex : certains pays interdisent aux étrangers de prendre des hypothèques sans autorisation) ? Comment ferai-je exécuter la garantie ou la décision de justice à l’étranger le cas échéant (traités d’entraide, etc.) ? Souvent, la solution retenue est de choisir un droit unique pour le contrat de financement (souvent la loi de New York ou d’Angleterre pour plaire aux investisseurs internationaux), et de prévoir que les sûretés sur des actifs localisés seront, elles, régies par le droit local (par nécessité) mais avec un maximum de cohérence. Par exemple, un contrat de prêt sous droit de New York avec une clause d’arbitrage internationale, et des hypothèques locales en Chine, au Brésil, etc., c’est courant. L’arbitrage permettra d’obtenir rapidement une sentence en cas de défaut, puis d’aller faire valoir cette sentence sur les actifs grevés via les voies d’exécution locales.

Legal Growth joue ici un rôle de chef d’orchestre juridique, s’assurant que l’écosystème de garanties est robuste et harmonisé d’une juridiction à l’autre.

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